Autorails légers pour voie normale à faible trafic

Autorails légers pour voie normale à faible trafic

Par M. ZENS, Directeur de la Cie des Chemins de Fer départementaux paru dans l'Industrie des Voies Ferrées et Transports Automobiles - Septembre 1947

« La question des transports dans les campagnes est un des plus importants problèmes intéressant l'ensemble de notre pays, aussi semble-t-il nécessaire que les exploitants des voies ferrées qui desservent les communes rurales perfectionnent les moyens de transports de voyageurs sur ces lignes. »

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Une solution pour intégrer les zones rurales dans les centres villes

Dans un pays comme la France, la répartition de la population est en déséquilibre dangereux et la désertion des campagnes a pour principale cause leur isolement ; les agglomérations en France sont trop importantes pour la densité de la population du pays. Il importe donc que les collectivités publiques cherchent à réduire les distances qui isolent les ruraux des centres d'activité commerciale et culturelle même si cela devait leur coûter, cela dans le même esprit que les Municipalités éclairent les rues de leur ville pour entretenir l'activité des citadins.

Nous pensons donc que les Pouvoirs publics, que ce soit l'Etat ou les Collectivités locales, tout en ayant le souci d'équilibrer par des recettes la dépense des services voyageurs de transports publics, doiventchercher à maintenir sur les petites lignes les tarifs les plus bas possibles, tout en augmentant les facilités données.

La facilité la plus appréciée est certainement la fréquence. En conséquence, ils doivent chercher en premier lieu, si besoin par voie d'autorité, à supprimer les doubles emplois, car s'ils augmentent la fréquence, ils se font toujours concurrence dans des conditions onéreuses pour la collectivité.

Cette concurrence provenait, avant-guerre, de Services publics « indépendants » et le remède efficace a été la coordination. Mais nous pensons que la concurrence la plus forte dans les temps à venir sera la concurrence privée due aux voitures particulières.

Les transports publics vs les transports privés

Il ne doit pas être question de brimer leurs utilisateurs en renchérissant artificiellement le transport privé. Ce serait une grave erreur que de croire qu'un propriétaire d'automobile est mort pour le rail, car on peut être propriétaire d'un fourneau de cuisine et aller au restaurant.

Le propriétaire d'un véhicule automobile se servira toujours de son auto, quand il n'y a pas de service public, ou que celui-ci ne présente pas certains avantages. Or, nous estimons que le Service public de transports en commun peut conserver suffisamment d'avantages tels que : prix, vitesse, aucune préoccupation, confort, sécurité, commodité.

Nous pensions qu'il est d'intérêt national que les automobilistes n'utilisent leur véhicule que le moins possible, et surtout dans un but d'agrément, car l'agrément, pensons-nous, est aussi d'intérêt national.

Si on oblige le propriétaire d'auto à aller à une certaine distance prendre un train jusqu'à une grande ligne, il est très probable qu'il préférera rester dans sa voiture jusqu'au point de destination. A cela on peut répondre qu'en lieu et place du « petit train » on mettra à sa disposition un autocar « coordonné », qui le conduira jusqu'à la grande ligne. Nous pensons que cet autocar n'inspire à cette catégorie de clients, la plus difficile, qu'une confiance relative tant au point de vue de sa régularité, qu'à celui de son confort, de la possibilité d'emporter ses bagages. II le met dans la nécessité d'effectuer à la gare de départ un transbordement pénible.

Reprise et continuité des propositions faites dans le passé

La France a fait, il y a 70 ans, un effort financier supérieur aux autres nations pour équiper les campagnes d'un réseau ferré. Ce réseau ferré, dans son ensemble, en bon état d'entretien, sert au service des marchandises ; pourquoi ne pas l'utiliser également au service des voyageurs ?

L'Administration supérieure a laissé jusqu'à ce jour entendre qu'un autocar était beaucoup moins onéreux que l'exploitation sur fer des voyageurs. Elle a pour cela très souvent mis en avance des chiffres particulièrement bas pour les autobus et particulièrement élevés pour les trains vapeur ou autorails.

Si elle a passé sous silence que l'on pouvait exploiter par autorails économiques, c'est que les conditions dans lesquelles s'est fait la coordination, l'ont mise dans la nécessité de faire des sacrifices.

Ne pouvant trouver auprès du Gouvernement d'appui suffisant pour être débarrassé par voie d'autorité de ses concurrents routiers, elle a été dans l'obligation de « sacrifier » ces petites lignes qu'elle a cédées en compensation à ses concurrents en leur donnant l'exclusivité du transport voyageurs.

Les autobus vs Autorails

C'est certainement pour cela que les grands réseaux ont toujours masqué au public les remèdes à la situation financière des petites lignes en estimant avant-guerre un prix de train-km, vapeur compris entre 10 et 20 francs, l'entretien de voie supplémentaire de 7 à 10 000 francs du kilomètre et en affirmant qu'un autobus ne coûtait que de 2 à 3 francs du kilomètre. On a découragé les représentants des populations qui n'étaient pas suffisamment « techniciens » pour répondre avec une argumentation solide.

Nous sommes persuadés qu'on ne peut soutenir que pour effectuer un même parcours avec un certain nombre de voyageurs un autobus aura un prix de revient moindre qu'un autorail. Les ingénieurs savent parfaitement que le coefficient de roulement de l'autorail est de 3 à 5 fois moindre que celui de l'autobus. Le rail étant tracé comme une autostrade (courbes à grands rayons, des rampes très faibles) permet, avec la même puissance, de transporter, à la même vitesse, le triple de charge.

Ils savent également que le rail fatigue moins le matériel que les routes et c'est surtout vrai pour les routes d'intérêt local.

11 en résulte qu'un autorail ayant une capacité pratique double d'un autobus, ne coûte au kilomètre que les 3/5 de cet autobus.

On en conclut aisément que pour une même dépense, on peut remplacer les 3 aller et retour journaliers d'une ligne d'autobus par 5 aller et retour autorails à plus forte capacité, avec une vitesse commerciale supérieure à celle de l'autobus. Ces cinq aller et retour donnant une recette supérieure, il paraît possible, sans déficit supplémentaire, d'en faire davantage encore, les kilomètres d'autorails faits en supplément ayant un prix de revient plus faible que ceux de base, tous les frais généraux étant déjà engagés.

La construction des prototypes d'autorails légers

En vue de réaliser ce programme et de mettre à la disposition des exploitations des voies normales secondaires, la Compagnie de Chemins de Fer départementaux a fait construire en 1945 des prototypes d'autorails légers, dont le prix de revient kilométrique est extrêmement faible.

Une première remarque s'impose : si ces autorails sont légers, 8 tonnes environ, il ne faut pas en déduire qu'ils sont fragiles, tous les organes ayant été conçus spécialement pour l'utilisation sur voie ferrée, le faible poids total étant obtenu surtout par l'extrême simplicité.

Leurs dimensions ont été déterminées par le constant souci de surclasser celles données par les autobus, ce qui permet de répondre par avance à des critiques qui pourraient être faites. Les autobus employés pour les lignes d'intérêt local n'ont en général pas plus de 30 places assises, aussi a-t-on donné à l'autorail une capacité de 30 à 35 places assises.

Ces places assises étant de plus grandes dimensions, les dégagements étant plus importants, la hauteur intérieure du véhicule permet de placer des bagages assez volumineux.

Le petit autorail sera, de ce fait, très nettement plus apprécié que l'autobus qu'il remplace. En outre, des plateformes permettent à une trentaine de voyageurs à petit parcours de trouver une place relativement confortable, ce qui double la capacité de charge du véhicule par rapport à l'autobus, et la sécurité y reste constante. Comme sur les autobus une galerie à bagages permet de placer les colis volumineux en comprenant également les bicyclettes qui ne peuvent pas commodément être mises dans un compartiment à bagages, où elles s'enchevêtrent.

La décision de suppression de l'agent de l'accompagnement dans les services creuses

De plus, il a paru à la Compagnie de Chemins de Fer départementaux que pour atteindre le but cherché avec ce matériel, il fallait pouvoir supprimer l'agent d'accompagnement dans les services creux. Il serait, en effet anormal, alors que les routiers, pour la grande majorité de leurs services n'ont qu'un agent qui assure la conduite et la perception des recettes, que sur la voie ferrée, où la conduite est infiniment moins fatigante, il n'en soit pas de même.

A une époque où, à juste titre, on recherche à donner aux agents des voies ferrées un pouvoir d'achat aussi grand que possible, il paraîtrait contraire au but recherché, d'utiliser obligatoirement deux agents dont un n'aurait la plupart du temps, pour mission que d'ouvrir et de fermer les portes de l'autorail dans les gares.

 

Dans le modèle C.F.D., 4 portes à volets sont man?uvrées à l'air comprimé au gré du wattman, de son poste de conduite.

Ces petits autorails étant destinés à des lignes courtes seront obligés de faire des navettes, et bien souvent de les faire rapidement pour venir reprendre à des transits des voyageurs.

Il importe donc que chaque extrémité soit pourvue d'un poste de conduite, et que la visibilité de chacun des postes de conduite soit aussi grande que possible.

Les critiques

En effet, la seule critique que l'on puisse faire à l'utilisation intensive des voies ferrées secondaires, ce sont les frais supplémentaires de gardiennage. Il importe donc que le conducteur du véhicule puisse, comme dans un tramway, franchir à vue les passages à niveau non gardés et surveiller lui-même dans les entrées de gares la disposition des appareils de voie.

Par contre, toute idée de remorquage doit, en principe, être exclue. La remorque nécessitant des man?uvres longues et fatigantes à chaque changement de sens de marche, fait perdre à ce service son caractère de grande souplesse et de grande simplicité.

La double et même la triple traction sont par contre extrêmement aisées, des signaux optiques convenablement placés permettent à chacun des wattmen d'avoir les réactions qu'il convient.

De multiples essais faits dans ce sens ont prouvé que, dans la pratique, la sécurité de trois voitures attachées ensemble était de même nature que celle d'un véhicule isolé et qu'il était facile et rapide de les découpler, permettant ainsi d'adapter la fréquence et la capacité avec peu de matériel, et un personnel dont le rendement permettra une rémunération convenable.

Le remorquage est de plus une cause de fatigue pour les organes moteurs, et est de nature à obliger de prévoir une réserve de puissance coûteuse et pesante qui détruit l'économie de l'exploitation, puisqu'elle n'est utilisée que de temps à autre.

Si le remorquage était fréquent, cela prouverait que la ligne n'est pas à faible trafic et mérite un matériel autorail d'une catégorie supérieure.

Description de l'autorails légers

L'autorail léger voie normale des Chemins de fer départementaux (fig. 1 à 4) comporte une caisse poutre en acier extrêmement résistante qui protège les voyageurs au maximum en cas d'accident ; elle permet les surcharges les plus considérables et l'expérience a montré que des caisses poutres de même nature étaient en parfait état après 15 ans de service.

En vue de donner au couloir central une grande largeur, il n'a été prévu que 4 places assises de front, ces places étant, de ce fait, de dimensions sensiblement supérieures aux places d'autocars, ou même d'autorails voie normale à 5 places de front.

Plan général
Plan général

De très vastes porte-bagages entièrement métalliques permettent aux voyageurs de mettre des valises de très grandes dimensions et en très grand nombre sans avoir à s'en séparer.

L'entrée des voyageurs est prévue, côté wattman, tantôt à sa droite, tantôt à sa gauche, suivant les dispositions des gares. Le wattman est placé de telle sorte qu'il peut facilement distribuer des billets si, ainsi qu'il est indiqué pour les lignes à faible trafic, il est chargé de le faire, comme sur les autobus au moyen d'une machine à billets.

La sortie des voyageurs se fait par une des deux portes arrière man?uvrées à l'air comprimé par le wattman.

Il n'a pas été prévu de W.C.-toilette. Il n'y en a pas sur les tramways ou sur les cars. Il n'y en a pas dans le métro, ni sur les rames, ni même dans les gares, la pratique montre que sur les lignes courtes, c'est de la place perdue, un poids inutile et... odorant.

Le bloc moteur est situé à l'extrémité du véhicule
Le bloc moteur est situé à l'extrémité du véhicule

Ces véhicules sont à deux essieux, suspension à grande flexibilité, roues monoblocs de 850 mm., pouvant sans difficulté être remplacées par des roues élastiques de même diamètre.

Freins : type chemins de fer à air comprimé, 4 sabots fonte.

Une transmission est mécanique.

Un essieu est moteur et comporte un pont à couple conique spirale. La boîte de vitesses, extrêmement robuste, comporte cinq graduations dont quatre synchronisées et un inverseur de marche.

Le bloc moteur est un Panhard Diesel 4 H L, tournant à 2000 t/m., 4 cylindres 110 x 150, donnant 80 CV ; il est placé en travers de l'autorail, de façon à réduire au maximum la place perdue.

Situé à l'extrémité du véhicule, il peut d'une manière extrêmement rapide être « descendu » et remplacé par un moteur révisé.

D'une manière générale, tout l'ensemble mécanique est d'une substitution facile, permettant de réduire l'immobilisation des caisses le plus possible.

Il résulte de la simplicité de ce matériel, qui utilise des organes semblables ou identiques à ceux des cars, que leur faible fatigue sur voie ferrée, leur plus grande vitesse commerciale, en permet une utilisation intensive.

De cette utilisation intensive il résulte un prix kilométrique très bas, aussi la Compagnie de Chemins de Fer départementaux avait-elle accepté en mai 1946, un forfait kilométrique se montant seulement aux 2/3 du prix kilométrique d'un car semblable à la même époque.

Seul dans l'état actuel de la question, le prix de construction est sensiblement plus élevé, mais cela tient uniquement à la faible quantité d'engins sortis à ce jour. Il est permis d'affirmer qu'une « série », justifiée par l'importance du réseau secondaire à faible trafic qui mérite d'en être dotée, pourrait être réalisée à des prix équivalents à une série semblable de cars.

Vue intérieure
Vue intérieure

source : Extrait de l'Industrie des Voies ferrées et des Transports Automobiles ? Septembre 1947

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