Les locomotives Diesel depuis 1940

Les locomotives Diesel depuis 1940

par Ch. TOURNEUR

Tandis que, en Europe, la guerre stoppait l'évolution amorcée en 1939, la traction Diesel prenait aux Etats-Unis un large développement, qui, en s'accentuant dans la période d'après- guerre, aboutit finalement à une véritable reconversion du système de traction dans tout le pays.

Accès à notre gamme locomotives

Les locomotives Diesel, qui avaient été utilisées en premier lieu dans les services de manoeuvres, et de transfert, avec des unités de 600 à 1000 CV, furent affectées aux services de voyageurs entre centres éloignés, d'abord vers l'ouest et le sud de Chicago, puis sur l'ensemble du territoire (fig. 2). Vers 1948, le nouveau mode de traction s'étend rapidement aux trains de marchandises, et il stoppe même, pratiquement, l'extension alors prévue de certaines lignes électrifiées. Actuellement, il assure 84 % du trafic marchandises, 86 % du service voyageurs et 90 % du service manoeuvres ; la comparaison des consommations de combustibles, en 1946 et 1953 par exemple, traduit éloquemment l'évolution :

Consommations en milliers de tonnes
Consommations en milliers de tonnes
19461953
Diesel : gasoil .............................. 2.34010.000
Vapeur[ charbon........................ [ fuel ...............110.00015.00028.0004.150

Dans un proche avenir, la traction à vapeur ne subsistera guère que sur quelques réseaux desservant des districts houillers.

Les constructeurs sur le marché des grands réseaux américains

Quatre constructeurs : la General Motors, l'A. L. C. O., Baldwin, et Fairbanks Morse, se partagent le marché des grands réseaux américains, les premier et dernier venus (General Motors et Fairbanks) utilisant des moteurs à 2 temps, tandis que les deux autres font appel à des moteurs à 4 temps suralimentés ; la transmission électrique est seule utilisée. La puissance des unités motrices est généralement de 1600 à 1900 CV pour les marchandises et services mixtes, 2500 CV environ pour les voyageurs (1). Ces puissances étant très fréquemment insuffisantes, en raison des tonnages élevés des trains américains et des vitesses pratiquées, il est souvent fait usage de trois ou quatre unités fonctionnant en unité multiple.

(1) Conformément aux errements européens, ces chiffres indiquent la puissance totale disponible à la sortie du moteur Diesel, et non pas, suivant la pratique américaine, la seule puissance disponible pour la traction, auxiliaires exclus.

Fig. 2. - Un train Diesel américain moderne remorqué par une seule unité de 2400 CV : « Le blue Bird » qui assure un service rapide de jour entre Chicago et St-Louis.
Fig. 2. - Un train Diesel américain moderne remorqué par une seule unité de 2400 CV : « Le blue Bird » qui assure un service rapide de jour entre Chicago et St-Louis.

Quelles furent les causes de ce développement rapide ?

On peut les résumer ainsi :

  • Nature du réseau ferré américain, comportant de longues lignes, souvent à voie unique, parcourues par des trains très lourds, généralement peu fréquents, permettant de tirer parti des qualités de la locomotive Diesel (grande autonomie, parcours importants entre opérations
  • Disponibilités relativement grandes de combustibles liquides, dont le prix est surtout avantageux dans le Centre et l'Ouest. Grâce au meilleur rendement de la locomotive Diesel, la dieselisation a pu s'étendre très largement sans accroître la consommation globale des réseaux, dont les nombreuses locomotives à vapeur chauffées au fuel, surtout dans l'Ouest, étaient de grosses consommatrices.
  • Enfin, et surtout, facilités de financement offertes aux réseaux américains, auxquels les locomotives sont données en location-vente à des taux très bas. D'autre part, le prix des machines a été abaissé par la production en grande série, par un très petit nombre de constructeurs, réalisant des modèles peu nombreux, ne différant, d'un client à l'autre, que par la peinture extérieure.

Cette uniformité relative des types constitue, d'ailleurs, une des conditions du financement, la valeur vénale des locomotives se conservant si, du fait de l'évolution du trafic par exemple, des unités doivent être mutées d'un réseau à un autre. Cet argument prend une valeur toute particulière aux Etats-Unis, où plusieurs réseaux se font souvent concurrence sur le même courant de trafic.

Les réseaux des autres pays américains et de l'Australie

Suivant l'exemple précédent, le Canada, le Mexique, l'Amérique du Sud, et l'Australie, dont les réseaux sont assez comparables à ceux des Etats-Unis, développent également depuis plusieurs années l'emploi des locomotives Diesel, le plus souvent importées des Etats- Unis, ou construites sur licence.

Fig. 3. - Locomotive Diesel électrique de 600/725 CV, série 040 DE de la S.N.C.F., pour manoevres et desserte marchandises des lignes secondaires.
Fig. 3. - Locomotive Diesel électrique de 600/725 CV, série 040 DE de la S.N.C.F., pour manoevres et desserte marchandises des lignes secondaires.

Les réseaux des pays africains

Depuis dix ans, la dieselisation de nombreux réseaux africains a été amorcée, et, souvent même, entièrement réalisée, sauf en Afrique du Sud où le charbon est relativement abondant (Afrique du Nord, Madagascar, autres contrées de l'Afrique française, Congo belge, Ethiopie, etc.).

Dans ces contrées, l'économie que procure la traction Diesel provient, pour une large part, de la mauvaise qualité ou de la rareté des eaux, et du très bas prix du gasoil, comparé à celui du charbon. Sur de longues lignes de pénétration, ravitaillables en combustible par une seule extrémité, l'écart s'accentue encore, au profit du gasoil, dont les sujétions d'acheminement à pied d'?uvre sont moins importantes.

La supériorité de la traction Diesel pour les services de man?uvres est unanimement reconnue et son développement dans ce domaine se trouve facilité par le fait que les man?uvres requièrent surtout des efforts élevés développés à faible vitesse, donc une puissance massique relativement basse, ne dépassant guère une dizaine de chevaux par tonne. Un tel résultat est aisé à obtenir, même en recourant à des moteurs peu rapides et à des transmissions lourdes.

Les économies procurées par la traction Diesel sont fort importantes :

  • La consommation de combustible, particulièrement élevée avec la vapeur, en raison des stationnements fréquents et des marches intermittentes à puissances essentiellement variables, est, au contraire, très réduite avec le Diesel, dont le bon rendement reste favorable aux charges partielles, et qui ne consomme pas pendant les stationnements. L'équivalence est de l'ordre de 12 à 15 kg de charbon pour un kilo de gasoil.
  • La suppression des ravitaillements fréquents en eau et des coupures pour réfection du feu, la constance de la puissance disponible à chaque instant, permettent d'assurer un travail plus intensif dans un temps de service donné ; l'amélioration peut atteindre 25 %. La locomotive Diesel n'a pas à rentrer fréquemment au dépôt pour ravitaillement et entretien ; des services absolument continus en gare pendant plusieurs jours consécutifs sont fréquents.
  • La conduite par un seul agent est possible, même dans les services difficiles.

Le bas prix de revient de l'heure de man?uvre avec la traction Diesel conduit également à l'adopter dans les gares de triage des lignes électrifiées, de façon à éviter l'équipement de nombreuses voies de service.

Qu'est-il de la situation des locomotives Diesel sur les réseaux européens ?

La locomotive Diesel comme technique de desserte marchandises

Plusieurs pays d'Europe (Allemagne, Danemark, France, Hollande, notamment) développent la desserte marchandises des lignes secondaires par locomotives Diesel de puissance moyenne, qui se rapprochent, d'ailleurs des locomotives de man?uvres lourdes, par leur puissance (600 à 1000 CY) et par leurs performances (vitesse maximum généralement limitée à 60/80 km/h) (fig. 3).

Les parcours journaliers des locomotives Diesel pour lignes secondaires restent souvent inférieurs aux possibilités des machines, en raison de la nature même du trafic ; mais les économies réalisées sont sensibles sur les dépenses de combustible et de conduite (un seul agent), et, également, sur les dépenses d'entretien, du fait qu'il est souvent possible de diminuer le nombre des dépôts d'attache : les points de relais des locomotives électriques et des locomotives modernes à vapeur circulant sur les grandes artères sont, en effet, beaucoup plus espacés qu'autrefois, et la traction Diesel sur les lignes secondaires affluentes permet de supprimer les petits dépôts intermédiaires, en raison de la réduction importante des opérations de ravitaillement et d'entretien courant.

La locomotive à vapeur tire à sa fin

Sur leurs lignes principales à gros trafic, les réseaux européens développent surtout la traction électrique, et des séries appréciables de locomotives Diesel puissantes n'ont été commandées que récemment ; elles ont bien souvent pour objet de définir, à une échelle suffisamment étendue, les divers postes du prix de revient, et de dresser ainsi le partage entre les lignes justiciables des deux modes de traction.

En Allemagne, en raison de l'ancienneté du parc de locomotives à vapeur pour trains de voyageurs, des locomotives Diesel B-B de 2000 CV avec moteurs rapides et transmissions hydrauliques sont affectées à la remorque des trains express, dont les horaires peuvent être ainsi améliorés (fig. 4).

Fig. 4. - Diagramme des locomotives Diesel hydrauliques de ligne à grande vitesse de 2 X 1000 CV des Chemins de fer allemands.
Fig. 4. - Diagramme des locomotives Diesel hydrauliques de ligne à grande vitesse de 2 X 1000 CV des Chemins de fer allemands.

En Angleterre, cinq locomotives Diesel électriques de deux types différents (CoCo et 1' CoCo 1') de 1600 à 2000 CV sont en service ; un programme est en cours d'étude, qui comporterait l'utilisation de locomotives de ligne de 2000 CV.

Fig. 5. - Locomotive Diesel-électrique BB, type 201 de la S.N.C.B., constructeur S.A.. John Cockeril.
Fig. 5. - Locomotive Diesel-électrique BB, type 201 de la S.N.C.B., constructeur S.A.. John Cockeril.

En Belgique, la présente année verra la mise en service des 55 locomotives B-B (fig. 5) et des 40 locomotives C-C (fig. 6) de 1750 CV construites par Cockerill et l'Anglo-Franco-Belge.

Fig. 6. - Locomotive Diesel électrique CC type 202 de la S.N.C.B. constructeur Anglo-Franco-Belge.
Fig. 6. - Locomotive Diesel électrique CC type 202 de la S.N.C.B. constructeur Anglo-Franco-Belge.

Au Danemark, un programme est en cours pour la suppression complète de la traction à vapeur, encore utilisée sur les lignes principales pour la traction des trains lourds de voyageurs et de marchandises. En particulier, 4 locomotives C-C de 1650 CV analogues aux locomotives C-C belges sont mises en service et 20 autres sont en construction, outre quelques autres machines de conception danoise.

En France, la S. N. C. F. va recevoir cette année une première tranche de 20 locomotives C-C de 2000 CV destinées aux sections non électrifiées de la ligne de Grande Ceinture de Paris ; il s'agit là d'un service de transfert de trains de marchandises lourds et nombreux, entre les gares de triage de la région parisienne. D'autre part, il est prévu de desservir entièrement par traction Diesel les lignes situées au sud de la Loire et comprises entre l'Océan et l'artère électrifiée Tours-Bordeaux. Outre des locomotives de 800 CV pour lignes secondaires il vient d'être commandé, à cet effet, 15 locomotives C-C de 102 tonnes, pour services mixtes, équipées avec 2 moteurs rapides de 900 CV et transmissions électriques (fig. 7).

Fig. 7. -Coupe schématique de la locomotive de 1800 ch.
Fig. 7. -Coupe schématique de la locomotive de 1800 ch.

Enfin, le réseau portugais, qui va commencer l'électrification en courant monophasé 50 périodes de deux artères importantes, compte poursuivre la dieselisation amorcée depuis plusieurs années (locomotives américaines ALCO de 1600 CV) ; les Chemins de fer espagnols, de leur côté, passent commande d'une quinzaine de locomotives analogues.

source : Extrait de l'article L'EVOLUTION DE LA LOCOMOTIVE DIESEL par Ch. TOURNEUR, Ingénieur en Chef à la S. N. C. F. apparu dans la Revue Universelle de Mines juillet 55

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