Les locomotives BB 71000 de la S.N.C.F.

Les locomotives BB 71000 de la S.N.C.F.

par Messieurs ZENS, Président, et HONNORE, Directeur Général de la Compagnie de Chemins de Fer Départementaux.

Les Ateliers de MONTMIRAIL de la Compagnie de Chemins de Fer Départementaux qui s'étaient spécialisés depuis longtemps dans la construction de locomotives DIESEL à voie métrique, ont construit ensuite des locomotives DIESEL à voie normale destinées aux lignes à faible trafic.Les qualités de ce matériel et sa facilité de conduite grâce à la transmission hydromécanique ASYNCHRO ont amené la S.N.C.F. à passer commande à ces Ateliers de locomotives 640 CV que nous présentons dans les lignes suivantes.

Accès à notre gamme locomotives

Les généralités

La S.N.C.F. vient de mettre en service 30 locomotives 640 CV pour l'exploitation de ses lignes secondaires et pour effectuer des man?uvres dans ses gares de triage.

La principale particularité de ces machines, se trouve dans le choix de la transmission.

Abandonnant des solutions classiques, c'est-à-dire transmission électrique et transmission hydraulique, elle a adopté une transmission hydromécanique « ASYNCHRO ».

Depuis plusieurs années, la S.N.C.F. avait été intéressée par ce nouveau genre de transmission et elle avait suivi les essais d'un prototype 600 CV réalisé par les Ateliers de Montmirail.

Ce prototype en service particulièrement dur, s'étant révélé intéressant par son prix, son rendement et son adhérence, la S.N.C.F. a chargé la Société FIVES LILLE de la construction d'une série de 30 machines de même conception.

Pupitre de conduite
Pupitre de conduite

Les caractéristiques principales de la locomotive BB 71000

Les caractéristiques principales de cette locomotive sont les suivantes :

  • Type : BB à bogies
  • Longueur totale : 11,900 m.
  • Largeur hors tout : 2,800 m.
  • Hauteur hors tout : 4,030 m.
  • Empattement d'un bogie : 2,? m.
  • Empattement total : 7,670 m.
  • Entraxe des bogies : 5,600 m.
  • Diamètre des roues : 0,860 m.
  • Poids à vide  : 52,50 T.
  • Poids en ordre de marche : 55,? T.
  • Rayon minima d'inscription : 80,? m.
  • Vitesse maximale : 80,? km/h.
  • Effort maximal au crochet au démarrage : 16.700 kg.

Freins direct et automatique - compresseur de 3.000 1 /m. à 1.350 t/m. sous 9 bars.

Transmission Hydromécanique « ASYNCHRO » 8 vitesses.

Une description technologique

Le châssis

Il est constitué par 2 fers à I de 500 fortement entretoisés et les traverses de tête forment un caissonnement très robuste.

Un capot couvre à l'avant l'ensemble mécanique c'est-à-dire le moteur et la transmission.

Son extrémité recouvre les radiateurs et le compresseur.

A l'arrière, un capot plus petit contient les réservoirs d'air, le central pneumatique de la machine, et la réserve de lubrifiants.

La cabine de conduite est surélevée, elle est insonorisée et montée sur blocs caoutchouc pour filtrer les vibrations provenant du moteur.

Elle comporte un pupitre qui sert de support aux leviers de commande et aux appareils de contrôle. Ce pupitre permet deux postes de conduite sauf pour l'utilisation du frein automatique.

Les bogies

Ils sont du type DIAMOND.

Ils comportent une traverse danseuse qui est reliée au châssis par 2 crapaudines superposées.

Les efforts de traction et de freinage sont transmis du châssis de bogie à cette traverse, par 2 bielles de rappel à Silentbloc.

Chacun des bogies comporte un essieu- moteur attaqué par un pont inverseur à triple démultiplication, et un essieu-moteur couplé à l'autre par bielles. Ces essieux sont montés avec des roues bandagées de 0,860 m. Les boîtes d'essieux à roulement à rotule sont intérieures aux roues.

La suspension est réalisée par 4 ressorts à boudin de chaque côté.

Deux amortisseurs hydrauliques « REPUS- SEAU » sur chaque bogie, freinent les oscillations à grande amplitude.

Le moteur

C'est un POYAUD à 12 cylindres type A. 12. 150 Sr suralimenté haute pression par 2 turbosoufflantes Holset 4 ».

Sa puissance nominale est de 640 CV (470 kw).

Sa vitesse nominale 1.650 tr/m.

Cependant le régulateur hydraulique H25BPZ2P5U72L du moteur permet en 8e vitesse, de donner au moteur une vitesse de 1.800 tr/m. avec 85 % de charge ; ce qui correspond à une vitesse de 80 km/h. pour la locomotive.

La transmission comporte un coupleur hydraulique « FERODO 26 » muni d'ailettes de refroidissement, calé sur le volant du moteur.

Ce coupleur ne sert qu'au démarrage évitant ainsi d'utiliser des surfaces de friction qui s'useraient rapidement. Il permet des démarrages très doux et aux vitesses élevées il a un rendement excellent

(98 %).

Un arbre à cardan le relie à la boîte de vitesses. Cette boîte de vitesses « ASYNCHRO » comporte :

Bogie
Bogie
  • un embrayage-frein,
  • une boîte de vitesses à 8 combinaisons,
  • et 2 roues libres identiques de part et d'autre de l'arbre de sortie.

Chaque sortie comporte un arbre à cardan. Ces arbres attaquent 2 ponts inverseurs réducteurs calés sur chacun des essieux extrêmes des bogies.

Cette disposition donne une adhérence totale sur les 4 essieux.

Par contre, grâce aux roues libres, toute possibilité de surcharge des cardans est éliminée, celles-ci ne pouvant travailler l'une contre l'autre.

De plus en cas d'avarie moteur celui-ci ne peut être détérioré étant protégé des efforts en retour par les roues libres.

La première vitesse est utilisée pour les débranchements à la butte, moteur à 650 tr/m

  • vitesse 3 km/h. Dans ce cas le régulateur du moteur fonctionne en régulateur « toutes vitesses ».
Moteur Poyaud
Moteur Poyaud

Une vitesse dite 1re manuelle permet le démarrage des trains lourds, ou dans des conditions particulièrement difficiles. Pour l'utilisation de la machine dans toutes les vitesses, sauf en 1re butte, le régulateur du moteur fonctionne en régulateur mini-maxi.

La 2e vitesse est la vitesse normale de démarrage.

La 3e vitesse permet de faire les « lancers ».

Les vitesses supérieures sont des vitesses normales en ligne et donnent :

  • 3e            vitesse  16,1 km                moteur à 1.650 tr/m.
  • 3e            ?          21,8                                        ?
  • 5e            ?          30,                                          ?
  • 6e            ?          40,4                                        ?
  • 7e            ?          54,5                                        ?
  • 8e            ?          73,2                                        ?
  • 8e            ?          80,                          moteur à 1.800 tr/mn.

Le principe de fonctionnement de la boite de vitesse « Asynchro »

La difficulté de transmettre des puissances élevées dans les boîtes de vitesses ne provient pas des engrenages qui ne connaissent pas de limite autre que celle de la vitesse périphérique des dentures, mais d'accoupler lors des changements de combinaisons des pignons ayant des vitesses relatives importantes et différentes car les inerties croissent très rapidement avec leurs dimensions.

Si, dans les boîtes de faible puissance, on a pu interposer des synchroniseurs véritables freins absorbant la différence des énergies cinétiques des pignons à accoupler, on constate que leurs dimensions augmentent plus vite que celles des engrenages. Ces synchroniseurs ont donc une limite.

Boite de vitesses Asynchro
Boite de vitesses Asynchro

Dans la transmission « ASYNCHRO » pour changer de vitesses on isole totalement la boîte de vitesses et on l'arrête en disposant à l'entrée d'un embrayage-frein et aux sorties des roues libres.

Le crabotage des pignons se fait donc à l'arrêt qui s'effectue en moins d'une seconde, le couple de freinage n'étant cependant pas supérieur au quart du couple moteur.

L'embrayage-frein situé entre le moteur et la boîte, est à disques multiples fonctionnant dans l'huile. Il est normalement serré par des ressorts. Un piston pneumatique permet le desserrage de l'embrayage, et à fond de course le serrage des disques du frein de boîte.

L'air agissant sur ce piston a permis de débrayer et arrêter la boîte ainsi que de commander la mise au ralenti du moteur. La boîte étant à l'arrêt, il est très facile de changer de combinaison et grâce à une distribution d'air comprimé sur les organes de commande des pignons, on engage la combinaison pré sélectée.

Cette opération est extrêmement rapide, de l'ordre d'une seconde. On purge le cylindre de l'embrayage-frein, le frein se desserre et on réembraye. Pour une pression déterminée le moteur est remis en vitesse, sa remise en charge étant temponsée.

La boîte de vitesse possède 8 combinaisons et les pignons sont continuellement en prise. Quatre crabots réalisent la mise en série de 3 étages de 2 vitesses (2 X 2 X 2). Le rapport des vitesses de la boîte est de 1,35.

Les ponts comportent 3 étages de réduction, donnant un rapport de démultiplication de 1 /5,59 et dont le premier étage constitue l'inverseur de marche par pignons coniques. La commande de l'inverseur est pneumatique.

Le principe de la commande des vitesses

Le levier de commande placé sur le pupitre, peut occuper 4 positions :

  • frein direct de la locomotive,
  • marche au ralenti du moteur, transmission débrayée,
  • embrayage de la transmission, moteur au ralenti,
  • accélération du moteur.

Un manipulateur de vitesses donne les possibilités suivantes :

  • travail de la locomotive sur la butte,
  • commande manuelle de la boîte de vitesses,
  • commande automatique,
  • commande de survitesse « du moteur » avec réduction de charge de 15 % à la 8e vitesse.

La commande principale à disposition du mécanicien, agit sur un détendeur d'air qui, par l'intermédiaire d'un bloc de distribution électropneumatique, permet de commander la vitesse du moteur sur la position « butte » du manipulateur de vitesse, et le couple du moteur pour toutes les autres positions de ce manipulateur des vitesses.

Sur cette machine en commande automatique ou en commande manuelle des vitesses, le cycle de changement de combinaison de la boîte est entièrement automatique.

En commande manuelle le choix judicieux de la combinaison à engager et le moment où cette opération doit s'effectuer revient au conducteur, qui en déplaçant le manipulateur des vitesses d'une position stable à une autre position stable, déclenchera dans l'ordre :

1° une impulsion qui amorcera le cycle de changement d'étage,

2° une nouvelle excitation des électrovalves de commande des tringles qui correspondra à l'étage choisi par le mécanicien, et permettra la fin du cycle de passage de la combinaison.

En commande automatique, le manipulateur des vitesses se trouve obligatoirement sur les repères CA2 ou CA3. Dans ce cas le choix de la combinaison à engager et du moment où cette opération est judicieuse, est confiée à un automatisme qui évite au mécanicien toute opération pour changer de combinaison.

Le choix du « moment » où doit être déclenché le changement d'étage à la montée comme à la descente des étages, est donné par le moteur, compte tenu de son régime instantané et de sa charge. Ce dernier est interrogé par deux contacteurs centrifuges dont l'un donne un test au régime nominal et l'autre un test au régime inférieur d'utilisation du moteur. Enfin un microcontact teste la position de crémaillère donc la charge du moteur.

En conclusion, pour un régime instantané supérieur à 1.640 t/m. et pour une charge inférieure ou égale à 74%, le moteur commandera le changement d'étage vers l'étage supérieur, et pour un régime instantané du moteur inférieur à 1.180 t/m. il commandera le changement d'étage vers l'étage inférieur.

L'ensemble de ces deux tests constitue le « test moteur » ou le choix du « moment ».

Le choix de la combinaison à engager est donné par la vitesse de la machine. C'est le « test essieu ». Une dynamo tachymétrique donne en permanence une tension proportionnelle à la vitesse de la machine. Cette tension est appliquée aux bornes d'une armoire à trois relais de tension montés en parallèle et dont l'ajustement par des résistances fixes, permet, selon leur état excité ou non excité, de réaliser les 8 combinaisons selon le schéma logique ci-après.

   12345678
RELAISA OEOEOEOE
RELAISB OOEEOOEE
RELAISC OO0OEEEE
   
             

O -> non excité

E -> excité

Ces indications sont transmises aux électrovalves de commande des vitesses de manière à permettre la sélection dans la boîte de vitesses d'une nouvelle combinaison.

Un retard volontaire de l'excitation des relais au moment où le test moteur de montée des étages va être donné, permet une désexcitation de ces relais en avance sur le test moteur, de rétrogradation. Pour obtenir un affichage correct de l'étage à engager à la montée des étages, le « test moteur », qui lui seul a pouvoir de décision pour déclencher le cycle de changement automatique des combinaisons, provoque une surtension dans le circuit des relais de tension par court-circuitage d'une résistance.

Ces deux test « essieu » et « moteur » sont groupés dans un coffret à relais. Ces relais sont nécessaires pour tenir compte des phénomènes réels de traction, et permettre d'obtenir une stabilité optimum de la commande automatique des vitesses.

Il est à noter que cet ensemble de commande automatique ne fait appel qu'à 4 lignes électriques dont trois sont utilisées pour le choix de la combinaison, la 4e servant à la synthèse des deux tests et au déclenchement de l'impulsion du changement d'étage.

(ANNEXE TABLEAU de charges)

Locomotive BB 71 000. Remorque du matériel marchandises
Locomotive BB 71 000. Remorque du matériel marchandises

Essais performances

Dès la sortie des premières machines, des essais très poussés ont eu lieu sur une machine (BB 71 002). Ces essais ont mis en valeur le rendement excellent du type de transmission, permettant ainsi des performances supérieures aux prévisions.

Les courbes ci-jointes en sont le résultat.

Insertion photo des courbes

Le tableau n° 1 indique les charges maximums remorquables en tonnes, de matériel marchandise, compte tenu du profil des lignes et de la vitesse d'exploitation désirée.

Le graphique n° 1 représente le réseau de courbes équivitesses donnant la variation de charge remorquable possible de matériel marchandise en fonction des conditions de profil, et pour une vitesse d'exploitation constante (les courbes sont tracées pour la vitesse de la rame correspondant au régime nominal du moteur).

 (Annexe graphique 1&2)

Le graphique n° 2 représente le réseau de courbes équivitesses donnant la variation de charge remorquable possible de matériel voyageur dans les mêmes conditions que précédemment en tenant compte de la meilleure aptitude au roulement de ce matériel.

On déduit de ces graphiques et tableau, les chiffres remarquables suivants :

? Les locomotives BB 71 000 peuvent remorquer en palier 2.280 tonnes de matériel marchandise à 30 km/h.

600 tonnes de matériel marchandise ou 1.060 tonnes de matériel voyageur à 60 km/h.

380 tonnes de matériel marchandise ou 800 tonnes de matériel voyageur à 70 km/h.

170 tonnes de matériel marchandise ou 400 tonnes de matériel voyageur à 80 km/h.

? en rampe de 10 millimètres par mètre, elles peuvent remorquer 340 tonnes de matériel marchandise ou 380 tonnes de matériel voyageur à 30 km/h.

115 tonnes de matériel marchandise ou 150 tonnes de matériel voyageur à 60 km/h.

80 tonnes de matériel marchandise ou 120 tonnes de matériel voyageur à 70 km/h.

D'autre part, un effort au crochet de 17 tonnes en première vitesse permet le démarrage de trains très lourds, et un service de débranchement à la butte très aisé.

Enfin un effort au crochet de 9 tonnes à 16 km/h. permet des lancers efficaces.

Locomotive BB 71 000. Remorque du matériel voyageurs
Locomotive BB 71 000. Remorque du matériel voyageurs

Conclusions

Depuis leurs mises en service au dépôt de Clermont-Ferrand, en remplacement de machines plus puissantes, en man?uvres dans les triages, et sur des lignes particulièrement dures de cette région, il a été constaté une adhérence remarquable et une grande souplesse d'utilisation.

Compte tenu de l'utilisation correcte du moteur et de l'excellent rendement de la transmission « ASYNCHRO » une économie très importante de combustible a été enregistrée jusqu'à ce jour.

Ces machines de constitution robuste ne nécessitent pratiquement aucun entretien, n'amenant donc pas de temps morts dans leur emploi.

La transmission hydromécanique « ASYNCHRO » a permis d'harmoniser les qualités prix de revient et rendement. Les locomotives BB 71 000 en sont la preuve.

source : L'INDUSTRIE DES VOIES FERREES ET DES TRANSPORTS AUTOMOBILES

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